Il y a encore dix ans, la plupart des directeurs généraux se tenaient à distance des réseaux sociaux, laissant la communication publique aux services marketing et aux attachés de presse. Aujourd’hui, la scène a changé : LinkedIn, X (ex-Twitter) ou même Instagram comptent de plus en plus de dirigeants de premier plan qui publient eux-mêmes billets, vidéos ou messages courts. Qu’il s’agisse de Satya Nadella chez Microsoft, de Mary Barra chez General Motors ou de Patrick Pouyanné chez TotalEnergies, la parole des patrons circule désormais en temps réel, sans passer par le filtre des communiqués officiels.
Cette nouvelle proximité transforme la relation avec les clients. Lorsqu’un CEO commente directement une innovation produit ou répond à une question dans un fil de discussion, il abolit la distance traditionnelle entre le sommet de l’entreprise et l’utilisateur final. Les clients se sentent écoutés par la plus haute autorité, pas seulement par un service après-vente. « Quand le patron lui-même répond, on a l’impression que notre avis compte vraiment », confie une consommatrice congolaise après avoir échangé sur LinkedIn avec le dirigeant d’une banque locale. Cette interaction nourrit un sentiment de confiance qui pèse sur la fidélité à la marque bien plus qu’une campagne publicitaire.
Les dirigeants y trouvent aussi une mine d’informations. Chaque commentaire, chaque question posée en ligne devient une donnée qualitative sur les attentes du marché. En observant les réactions aux annonces ou en suivant les conversations autour de leur secteur, ils disposent d’un baromètre immédiat de l’humeur des clients. Certains utilisent même ces échanges pour orienter le développement de nouveaux produits ou ajuster une politique de prix. « Les réseaux sociaux sont devenus un laboratoire à ciel ouvert », explique un consultant en stratégie digitale. « Le CEO y capte en direct ce que des études de marché mettaient autrefois des mois à révéler. »
La relation employeur-employé en profite également. Les talents potentiels observent la façon dont un dirigeant dialogue avec les clients, répond aux critiques ou défend ses valeurs. Une posture ouverte et réactive attire des candidats qui recherchent une entreprise capable d’écoute et de réactivité. Pour les équipes internes, voir leur patron répondre publiquement renforce le sentiment d’appartenance : la vision stratégique cesse d’être abstraite pour devenir un engagement visible.
Cette proximité exige toutefois finesse et régularité. Une réponse trop hâtive, un ton maladroit ou un message mal calibré peut déclencher une tempête en ligne, ternir la réputation de l’entreprise et nuire à la confiance des clients et partenaires. Une présence irrégulière ou perçue comme opportuniste peut également donner l’impression que le dirigeant est déconnecté ou superficiel. Beaucoup de CEO s’entourent donc de conseillers numériques pour calibrer le rythme des publications, vérifier la cohérence des messages et s’assurer que leur communication reflète fidèlement la culture de l’entreprise. Lorsqu’elle est mal gérée, cette exposition publique peut rapidement devenir un vecteur de préjudice pour l’image de marque et la valeur perçue par les marchés.
La confiance des publics se construit désormais au rythme des notifications, et la présence active des DG et des CEO sur les réseaux sociaux dépasse largement le simple exercice de communication. Elle sert d’outil stratégique pour rapprocher les clients, recueillir leurs attentes en temps réel et transformer le dirigeant en capteur d’opinion autant qu’en porte-voix de la marque. Ignorer ce canal, c’est se priver d’un lien direct avec ceux qui font vivre l’entreprise, mais le gérer sans stratégie ou sans rigueur peut être tout aussi dangereux, en exposant l’entreprise à des critiques publiques et à une perte de crédibilité difficile à réparer.